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Des locataires montréalais se syndiquent pour se faire entendre des propriétaires

Exaspérés de devoir négocier individuellement avec leur propriétaire, des locataires de plusieurs immeubles à Montréal ont décidé de former des syndicats, avec l’aide d’un groupe de militants.

Guillaume Cyr

C’est en février dernier qu’une vingtaine d’étudiants et militants ont lancé le Syndicat de locataires autonomes de Montréal (SLAM).

Ce nouveau syndicat, entièrement formé de bénévoles, souhaite s’imposer dans le plus d’immeubles à logements possible pour permettre aux locataires de s’unir pour faire valoir leurs droits.

Le pari du SLAM, c’est que la force du nombre permettra aux locataires de réaliser des gains plus facilement face aux propriétaires, notamment dans des cas d’insalubrité. À l’heure actuelle, les délais pour traiter les plaintes reçues en matière d’insalubrité peuvent être de plus d’un an, selon le rapport annuel du Tribunal administratif du logement (TAL).

« Notre pouvoir n’est pas dans le domaine juridique, mais c’est de faire pression sur le propriétaire, en groupe », souligne Samuel, l’un des membres fondateurs du SLAM, qui est bien au fait que le syndicat n’a pas de poids légal aux yeux du TAL.

L’étudiant en droit à l’université Mcgill ne souhaite pas révéler son nom de famille pour ne pas nuire à sa future carrière.

Depuis la fondation du SLAM en février, des affiches ont également été installées dans plusieurs autres immeubles afin de faire connaître l’organisation. Des locataires de sept immeubles ont depuis rejoint le mouvement, et un syndicat appuyé par le SLAM a depuis été formé dans chacun de ces immeubles.

2 °C PENDANT L’HIVER

La bonne vieille méthode du porte-àporte a porté ses fruits pour le SLAM : Laurie (prénom fictif) et Abigaïl, deux locataires d’un immeuble à logements du quartier Milton-parc, sur Le Plateaumont-royal, ont formé un syndicat avec une dizaine d’autres locataires aux prises avec les mêmes problèmes après avoir entendu parler du SLAM.

Infestation de souris, appartement mal isolé, tuyaux gelés : les deux étudiantes affirment que leur propriétaire ne faisait rien pour remédier à ces problèmes, malgré des appels répétés de locataires.

« C’est un vieil immeuble très mal isolé, avec de la moisissure. Dans ma salle de bains, la température descendait jusqu’à 2 °C pendant l’hiver », déplore Laurie, qui souhaite préserver son anonymat par peur de représailles. Elle payait 900 $ pour un studio, avant de décider de quitter son appartement en juillet dernier.

Abigaïl, qui avait aussi des problèmes de souris, explique que le propriétaire a attendu de recevoir une pétition des locataires avant d’agir.

« Il a vraiment mal pris l’idée du syndicat. Il a commencé à nous appeler sans arrêt et à nous texter pour connaître les instigateurs. On faisait vraiment attention d’agir en légalité avec lui », affirme-t-elle. D’après un document obtenu par le 24 heures, le propriétaire a menacé de les évincer en leur envoyant une lettre les accusant de harcèlement, ce que nient catégoriquement Abigaïl et Laurie. Le propriétaire n’est toutefois pas allé de l’avant avec l’éviction, faute de motif valable.

Même si tout n’est pas parfait, il est aujourd’hui plus à l’écoute des locataires, poursuit-elle. Le problème de souris, par exemple, a été réglé, mais pas celui de l’isolation.

Samuel, étudiant en droit à Mcgill

DERNIER RECOURS : LA GRÈVE DES LOYERS

En ordre, le SLAM privilégie le dialogue avec le propriétaire, la pétition, la manifestation et, finalement, la grève des loyers, mais seulement lorsque c’est nécessaire.

L’approche du SLAM s’est d’ailleurs déjà montrée efficace, assurent Gladys Etheridge et Philippe Nolin, deux voisins d’un immeuble du Milton-parc qu’entretient une entreprise gestionnaire de 170 propriétés.

Gladys raconte notamment que le rezde-chaussée était infesté de rats à cause de travaux réalisés dans un bâtiment voisin.

« Il y avait seulement deux concierges pour cinq immeubles leur appartenant », ajoute la locataire.

Après avoir contacté le propriétaire à quelques reprises, Gladys Etheridge et Philippe Nolin ont envoyé une pétition, avant de manifester dans les bureaux du propriétaire. Cette manifestation leur a d’ailleurs permis de se faire entendre : chaque mois, ils rencontrent un représentant du propriétaire pour discuter des problèmes dans l’immeuble.

« Ils nous ont dit ne pas vouloir dealer avec un syndicat. Mais ils sont au moins plus à l’écoute », affirme Philippe. Cela aura permis de régler l’infestation de rats, ajoute-t-il.

UNE BONNE IDÉE MÊME SANS RECONNAISSANCE LÉGALE

Comme le Tribunal administratif du logement traite les dossiers individuellement, un syndicat ne pourrait pas être entendu devant le TAL, selon l’avocat spécialisé en droit du logement, Me Daniel Crespo Villarreal.

Ce dernier ne diminue toutefois en rien la valeur du SLAM. « Ce n’est pas parce qu’elle n’a pas de reconnaissance qu’elle n’a pas de valeur », insiste-t-il.

Il cite en exemple les locataires du Manoir Lafontaine à Montréal. Devant une demande de relocalisation pour travaux majeurs, des locataires se sont mobilisés et ont exprimé en groupe leur refus de quitter les lieux.

Ils ont finalement eu gain de cause individuellement devant le TAL.

« Ça me semble une réponse adéquate à une structure juridique qui reproduit le rapport asymétrique des forces entre locataire et propriétaire », juge M. Villarreal.

« C’est quelque chose de très intéressant, qui peut porter ses fruits à l’avenir », conclut-il.

Philippe Nolin et Gladys Etheridge

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2022-09-22T07:00:00.0000000Z

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