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Quand le verdissement pousse la gentrification

Si les projets de revitalisation urbaine comme les jardins communautaires ou les pistes cyclables préparent nos villes aux changements climatiques, certaines de ces initiatives participent à l’exclusion des populations aux revenus plus modestes.

Augustin de Baudinière

« Il y a énormément de chaleur dans le quartier. Il faut tout simplement regarder les cartes aériennes qui montrent un peu la comparaison entre la ville de Montréal et Parc-extension. Avec le changement climatique et les canicules fréquentes, c’est quelque chose qui pose un risque aux locataires du quartier », explique Amy Darwish, organisatrice au Comité d’action de Parc-extension.

Cette dernière tente d’aider les résidents à faibles revenus du quartier Parcextension qui peinent à y demeurer. Les loyers et les évictions ont en effet augmenté depuis l’inauguration en 2019 du campus MIL de l’université de Montréal (Udem) qui poursuit son expansion.

MANQUE DE CONCERTATION

Mme Darwish est convaincue du fait que le secteur gagnerait à avoir plus d’espaces verts et d’endroits où les habitants pourraient se protéger de la chaleur. Toutefois, elle regrette que rien ne soit mis en place pour retenir ceux qui résident dans Parc-extension depuis longtemps.

Elle déplore le manque d’effort du campus MIL pour informer les locataires sur la création des jardins éphémères qui sont situés très au sud du quartier et difficilement accessibles.

« Dans l’exemple de Parc-extension, des organismes comme Parc-ex nourricier sont souvent développés par de jeunes Blancs. Les gens qui défendent les populations à plus long terme disent qu’ils n’ont pas besoin de ça dans le quartier et qu’ils l’embourgeoisent avec leurs histoires d’agriculture urbaine », explique Joseph Bergeron, responsable de développements projets chez Bâtiment 7.

Pourtant, la majorité des premiers projets d’agriculture urbaine sont nés grâce à des personnes issues de l’immigration.

« C’est une tradition qui était privée, mais qui n’était pas gentrificatrice à ce moment-là. Ça a baissé avec le temps, mais ça se pratique encore. Par exemple, à Parc-extension, il y a beaucoup de gens qui ont leur jardin », ajoute M. Bergeron.

Très peu de structures de financement issues de fonds publics viennent encourager l’agriculture sociale communautaire.

INVESTISSEMENTS PUBLICS LIMITÉS

Certains projets se tournent alors vers des investisseurs privés. Ceux-ci sont davantage préoccupés par la rentabilité de la fonctionnalité de l’espace public que par l’inclusion.

Selon Céline Duhamel, coordonnatrice générale de Cultiver Montréal, ces entreprises ne prennent pas le temps de tisser de liens avec la communauté sur place.

« On a vraiment l’impression qu’il n’y a aucune considération du vivant au sens large, des citoyens et des citoyennes, sur comment ils vivent, éprouvent et participent à la ville et à la construction de leur environnement », déplore-t-elle. Selon Mme Duhamel, des programmes de verdissement qui correspondent aux préoccupations des résidents permettraient une harmonie sociale.

« C’est quelque chose qui doit répondre à un vrai besoin de la communauté présente, pas celle qu’on veut attirer. Moi je vois son pouvoir d’implication et de réappropriation justement de l’espace public, à travers l’agriculture urbaine. Donc, c’est un vrai pouvoir anti-gentrificateur justement », précise-t-elle.

Des initiatives telles que celle du Club populaire des consommateurs de Pointesaint-charles sont parvenues à intégrer des personnes aux revenus modestes à leur projet d’agriculture urbaine. « Il y a quand même de très bonnes initiatives qui se font. Et puis je pense qu’il faut se laisser le temps d’éprouver les modèles. Il y a beaucoup de budgets participatifs qui ont été mis en place dans différents arrondissements », ajoute Mme Duhamel.

Dossier

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2022-06-30T07:00:00.0000000Z

2022-06-30T07:00:00.0000000Z

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