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«S i on dit sans cesse que la ville n’est pas sécuritaire, que nous sommes en danger, c’est clair que les gen

« Comment peut-on éviter que Montréal ne devienne un véritable Far West ? », « Deux fusillades en une soirée à Montréal », « La violence est loin de s’estomper à Montréal »... Dans la dernière année, des événements impliquant des armes à feu ont fait régulièrement les manchettes des journaux dans la métropole.

Prenons un pas de recul et observons la situation : Montréal est-elle vraiment en train de basculer dans un cycle de violence comme certaines grandes villes nord-américaines ?

La situation est loin de cela, selon plusieurs experts consultés par le 24 heures.

PA SDEFL AMBÉE, MAIS...

Au 31 octobre 2021, on totalisait 13 homicides par armes à feu sur le territoire, selon des données du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) obtenues par le 24 heures. Le décès du jeune Thomas Trudel en novembre fait monter ce chiffre à 14.

Il s’agit d’une augmentation significative par rapport à 2020, première année pandémique, lors de laquelle cinq décès avaient été rapportés. Les chiffres sont toutefois dans la lignée des années précédentes : 14 homicides étaient recensés en 2018, 10 en 2019.

Sur le plan statistique, on ne peut donc pas parler d’une flambée de violence, même si certains homicides impliquant des armes à feu ont marqué les esprits, notamment ceux de deux adolescents innocents, Meriem Boundaoui et Thomas Trudel.

Quand même, le nombre de tentatives de meurtre a nettement augmenté, passant de 33 en 2019 à 57 en 2020 et 51 jusqu’à maintenant en 2021. Tout comme le nombre de crimes contre la personne lors desquels une arme à feu était présente (utilisée ou non), en hausse également depuis deux ans. Mais attention : cette catégorie rassemble toutes sortes d’événements impliquant une arme, de la fusillade à un simple appel au 911 lors duquel un incident est signalé sans qu’aucune preuve soit fournie. Difficile alors de dégager une tendance claire.

Cette hausse de violence reste modérée, avance Ted Rutland, professeur agrégé de l’université Concordia. « Ce qui est hors-norme, c’est le nombre de coups de feu sans victimes. Mais il est difficile de comparer aux années précédentes parce que cette catégorie n’est chiffrée que depuis 2020 par le SPVM. »

Selon le spécialiste des questions de sécurité urbaine, Montréal serait même « aussi sécuritaire cette année que les années précédentes, et beaucoup plus sûre qu’il y a 10 ans ».

David Shane, inspecteur et porteparole du SPVM, va dans le même sens : les événements où il y a eu des coups de feu tirés sont en forte hausse. Ce genre d’incidents marque l’imaginaire, ce qui pourrait expliquer le climat de peur qui semble se généraliser.

« Mais quand on prend un certain recul et qu’on regarde ce qui se passe ailleurs au Canada et dans certaines grandes villes états-uniennes, on réalise que Montréal demeure une ville sécuritaire », analyse-t-il.

D’OÙ VIENT CETTE VIOLENCE ?

Il y a donc bel et bien une augmentation de la violence et du sentiment d’insécurité dans la population. D’où est-ce que ça vient ?

« Quelque chose s’est passé dans la dernière année, plusieurs grandes villes vivent ce phénomène. Le confinement a déplacé les problèmes de violence, souligne le porte-parole du SPVM. Quand les bars, les restaurants, tout le nightlife a été fermé, tout à coup, les gangs de rue et les groupes criminels se sont croisés ailleurs que dans les centres-villes, par exemple. La violence par armes à feu s’est alors déplacée vers des lieux plutôt résidentiels. On ne peut pas nier ce phénomène, de même que ce qu’on constate tous les jours sur les réseaux sociaux et qui a un impact dans la rue. »

Pour le SPVM, il y aurait aussi plus d’armes en circulation, « même s’il est difficile de le prouver statistiques à l’appui ». Ce que la police constate sur le terrain, c’est une banalisation et une plus grande accessibilité des armes à feu.

« C’est confirmé par nos enquêteurs, nos policiers sur le terrain, nos services de renseignements, les travailleurs de rue », note M. Shane.

La faute va aussi à certains gangs de rue qui n’hésitent plus à « se pratiquer » dans les parcs le soir et à mettre leur arsenal en valeur sur les réseaux sociaux, observe Francis Langlois, membre associé de l’observatoire sur les États-unis de la Chaire Raouldandurand et spécialiste des politiques liées aux armes à feu.

« C’est un phénomène qu’on observe de plus en plus dans Montréal-nord notamment. Le matin, on retrouve des douilles dans les parcs ou aux abords du fleuve, affirme le chercheur. Sur les réseaux sociaux, certains jeunes n’ont pas peur de montrer qu’ils possèdent des armes. »

Conséquence : les gens ont l’impression que la violence les guette au coin de la rue.

« Il y a de nombreuses familles qui ne se sentent plus en sécurité, car elles entendent des coups de feu la nuit, elles n’arrivent pas à dormir et craignent pour leurs enfants », remarque Nargess Mustapha, cofondatrice de l’organisme communautaire Hoodstock, qui lutte contre les inégalités systémiques dans Montréal-nord.

– Ted Rutland, professeur à l’université Concordia

LES POLITICIENS EN PARLENT

La dernière campagne électorale municipale ne serait pas non plus étrangère à ce climat anxiogène. Pour Ted Rutland, Denis Coderre a passé son temps, depuis son retour sur la scène politique, à répéter que Montréal était une ville dangereuse. « Si on dit sans cesse que la ville n’est pas sécuritaire, que nous sommes en danger, c’est clair que les gens vont commencer à croire que c’est vrai », soutient le professeur.

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