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Deux fois plus de pollen dans l’air que l’an dernier à Montréal

Gabriel Ouimet

Congestion nasale, nez et gorge qui piquent, difficulté à dormir : vos allergies vous donnent du fil à retordre ? C’est normal, puisque la concentration de pollen dans l’air atteint des niveaux critiques cette année. Un phénomène qui nous rappelle que la façon dont on traite l’environnement a des impacts sur notre santé ! Ça pourrait même s’intensifier dans les années à venir, surtout à Montréal, prédisent des experts.

« Vous y goûtez cette année à Montréal, puisqu’en moyenne, la concentration de pollen a doublé depuis l’an passé. En plus, vous avez constamment des pics où les niveaux de concentration de pollen sont très, très forts », indique d’entrée de jeu le directeur des communications des Laboratoires de recherche d’aérobiologie, Daniel Coates.

Les données de l’entreprise, qui est le principal fournisseur de données scientifiques en la matière au pays, montrent que le nombre de jours pendant lesquels les indices de concentration de pollen sont élevés ou très élevés a plus que triplé à Montréal depuis l’an dernier, passant de 22 à 85.

Plusieurs de ces journées montrent des pics à plus de 1000 particules de pollen par mètre cube, alors qu’une concentration est considérée très élevée à partir de 200 particules par mètre cube, dit l’expert.

PLUS LONGTEMPS

D’ailleurs, vous avez l’impression que vos symptômes s’éternisent cette année ? C’est normal, puisque la saison a commencé bien plus tôt qu’à l’habitude. Les arbres ont en effet commencé à relâcher leur pollen très tôt, explique Rita Sousa-silva, chercheuse au Paqlab de L’UQAM, un laboratoire visant à mieux comprendre la relation arbres-humains.

« La saison de floraison a commencé trois semaines plus tôt qu’à la normale cette année. Au début du mois de mars, il y avait déjà des arbres qui fleurissaient », explique-t-elle.

Une combinaison de facteurs qui s’est fait ressentir jusque dans les établissements de santé, où les gens se présentent en plus grand nombre cette année, affirme le Dr Moshe Ben-shoshan, spécialiste des allergies et immunologue au Centre universitaire de santé Mcgill.

« Habituellement, c’est une minorité de gens qui viennent pour recevoir des traitements. Cette année, beaucoup plus de gens viennent, et avec des symptômes plus sévères, parce que la saison est longue et difficile », détaille-t-il en précisant aussi que le phénomène est en constante augmentation depuis les 10 dernières années partout en Amérique du Nord.

Mais comment expliquer cette augmentation ?

SEXISME BOTANIQUE

Bien que le réchauffement climatique soit le premier coupable montré du doigt par les trois experts pour expliquer l’allongement de la saison du pollen, l’intensité de la situation à Montréal trouve racine ailleurs, selon Rita Sousa-silva.

« Les grands centres urbains comme Montréal ne plantent que des arbres mâles, de manière disproportionnée. C’est un problème, parce que les grains de pollen sont des particules que produisent uniquement les mâles », précise la postdoctorante au Département des sciences biologiques de L’UQAM.

La raison de cet entêtement est que les arbres femelles sont ceux qui produisent les fruits et les graines. Les villes évitent donc d’en planter, pour ne pas avoir à nettoyer les dégâts que causeraient ces graines et ces fruits en tombant sur la voie publique. Une situation que déplore l’experte.

« C’est du sexisme botanique, on oublie complètement que les arbres femelles jouent aussi un rôle important dans la nature », dénonce la chercheuse.

Dans la nature, les arbres femelles reçoivent et emprisonnent le pollen produit par les mâles afin de se reproduire. Leur absence fait donc radicalement augmenter la concentration de pollen dans l’air, puisque celui-ci n’a nulle part où aller.

REVOIR LES POLITIQUES

L’implantation d’espaces verts en ville est souvent citée comme un exemple de solution au réchauffement climatique. Or les villes auraient tout avantage à mieux comprendre le potentiel allergène des plantes qu’elles sèment afin de mieux agir dans le futur, croit Mme Sousa-silva.

« Il faut que les différences entre les plantes soient mieux comprises, puisque la concentration de pollen est un enjeu de santé publique » mentionne-t-elle.

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2021-06-10T07:00:00.0000000Z

2021-06-10T07:00:00.0000000Z

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