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Non, la gen Z n’est pas totalement woke

ANNE-LOVELY ETIENNE 24 heures

« Moi-même, je l’aurais giflée. Son père, s’il était là, il aurait giflé sa fille. » Ça, ce sont les paroles d’un influenceur québécois controversé dont le pseudonyme est « Art du malaise », qui parle d’une jeune adolescente. Le mec a plus de 167 000 abonnés sur Tiktok et 65 000 sur Instagram. Ce gars a de l’influence auprès des 12-16 ans, et ça, ça me chicote.

Je vous explique l’histoire : Art du malaise, Yahya Maayouf de son vrai nom, a prononcé ces bêtises dans l’objectif de défendre son pote, un autre influenceur connu sous le nom de Luca Tonii.

QUI SONT CES GA RS?

Selon ce qu’on peut voir sur une vidéo qui circule, Luca Tonii a carrément foutu une claque à une jeune adolescente lors d’un événement qui a dérapé près d’une école secondaire, la semaine dernière. Il est suivi par plus de 78 000 abonnés sur Instagram et il a été banni de Tiktok...

Pour en savoir plus sur l’altercation, je vous invite à écouter l’excellent reportage de la journaliste Élisabeth Crête sur les ondes du 98,5 FM, à l’émission Puisqu’il faut se lever.

Mais moi, c’est le phénomène plus large qui m’intéresse. Je me suis plongée dans les vidéos de ces jeunes hommes, tous deux dans la vingtaine, pour comprendre qui ils étaient.

En gros, Art du malaise aborde des sujets qui touchent la jeunesse avec dérision, comme les entretiens d’embauche, le racisme, les réseaux sociaux... Et publie des vidéos aux propos discutables sur la pandémie de COVID-19.

Luca Tonii, pour sa part, publie des propos carrément misogynes et dangereux. Par exemple, il a déjà expliqué ainsi le cycle de la violence conjugale : « Frappe-moi une fois, je suis victime ; frappe-moi deux fois, je suis complice ». Vous comprenez maintenant pourquoi il a été banni de Tiktok...

J’ai tellement soupiré fort en les regardant que je crois avoir fait bouger une veine dans mon cerveau.

Pour des mecs qui proviennent d’une génération qui se qualifie de woke, pour des mecs qui « influencent » les adultes de demain, je ne peux m’empêcher de souligner la gravité de ce genre de discours.

DES COMPORTEMENTS TOXIQUES

Il y a deux jours, Art du malaise est revenu sur les propos que je citais en début de texte et a supprimé la vidéo, mais il continue de banaliser le geste de son ami en disant qu’il a « fait une erreur », et a avancé que les médias traditionnels s’en sont donné à coeur joie pour le faire passer pour un « diable ». On est loin d’un changement de cap profond.

J’ai jasé avec des influenceuses qui se sont jointes à la fameuse vidéo en direct pour avoir leur point de vue sur l’affaire.

La populaire Naïla, aka La grosse, qui fait des vidéos, s’est vite rendu compte qu’elle ne les convaincrait pas – et ce n’est pas parce qu’elle manque de franc-parler.

« Je me suis fait traiter de grosse. Ils n’ont pas voulu me laisser parler. Les filles qui n’étaient pas d’accord avec eux, c’est comme ça qu’on était traitées », me confie-t-elle.

« C’est tellement toxique que des jeunes suivent des gars comme ça, qui n’ont clairement rien compris. En aucun cas, tu ne peux frapper une fille », dit-elle.

J’ai également parlé avec Laurey, connue sous le pseudonyme Lau to the Rey, qui a reçu une tonne de témoignages des jeunes qui étaient présents à l’événement, et qui a tenté, elle aussi, de raisonner les gars lors du live.

Quand elle a tenté de prendre la parole, elle s’est fait simplement dire par un abonné : « Moi je te frappe, sale pute ».

Scuse-me, pardon ! Ce qui me choque, c’est qu’art du malaise n’a rien dit ou n’a rien fait pour sanctionner les mots lourds de ce jeune qui s’est emporté... Et tu te dis modèle pour la jeunesse ?!

Pour moi, être woke, c’est-à-dire être conscient des inégalités sociales, ça ne s’applique pas du tout à des propos comme ceux d’art du malaise ou de Luca Tonii.

Pour moi cette histoire lève plusieurs

red flags. Le premier : même au sein des générations Y et Z, il reste beaucoup de sensibilisation à faire, tant sur la violence faite aux femmes que sur la grossophobie, la misogynie, l’homophobie ou le racisme. Le combat est loin d’être gagné.

Oh, et une toute dernière chose à retenir : il faudrait bien redéfinir le mot « influenceur ». Je crois bien qu’il y a une distinction à faire entre l’influence et l’abus du gaslighting, surtout de jeunes personnes mineures.

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2021-06-10T07:00:00.0000000Z

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