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Des côtés sombres a uxp oulaillers urbains

Alexis Magnaval

La pandémie vous a donné envie d’avoir un poulailler urbain ? Sachez que même si vos oeufs seront bios et locaux, et que vos poules seront bien traitées, la pratique vient avec certains côtés sombres : on abandonne des coqs et on perpétue la tuerie des poussins à la naissance, selon ce que constatent des refuges québécois et la SPCA.

Depuis la pandémie, de nombreuses municipalités ont lancé des projets pilotes de poulaillers urbains, avec l’engouement des citoyens pour de la nourriture locale. C’est le cas à Shawinigan, à Châteauguay, à Boucherville et même à Montréal.

Malgré les bonnes intentions des propriétaires, les poulaillers urbains se retrouvent avec un surplus de mâles. Quand un oeuf fertile éclot, on a une chance sur deux d’avoir un mâle, et si ces poussins ne sont pas broyés à la naissance comme ça se fait dans l’industrie commerciale, ils deviennent des coqs et sont rapidement embarrassants.

POUSSINS BROYÉS

Au cas où vous ne le sauriez pas : une poule n’a pas besoin d’un coq pour pondre des oeufs consommables, mais seulement pour se reproduire. Dans l’industrie commerciale des oeufs, les poussins mâles sont donc tués par broyage à la naissance vu qu’on ne leur voit pas d’utilité économique. Ce sont ainsi 5 millions de poussins qui sont abattus chaque année au Québec, selon la SPCA de Montréal.

« On a tendance à penser que les mâles vont devenir de la viande. C’est malheureusement faux, explique Élise Desaulniers, directrice générale de la SPCA Montréal. Les poules pondeuses n’ont pas la même génétique que les poulets de chair », qui développent de la poitrine plus rapidement.

La pratique pourrait cesser : la méthode de l’ovosexage, testée en France et en Allemagne, permet de sexer des oeufs et ainsi d’éviter de faire éclore les mâles inutilement.

L’allemagne vient d’ailleurs d’interdire le broyage des poussins mâles.

COQS DANS LES REFUGES

Si on ne tue pas les poussins mâles, ils deviennent vite des coqs. Pourquoi ne pas les garder ? « C’est bruyant ! Le cocorico, c’est pas vrai qu’ils le font juste le matin, ils le font à longueur de journée », prévient Catherine Gagnieux, propriétaire du refuge SAFE à Mansonville, en Estrie.

D’ailleurs, la plupart des municipalités interdisent aux particuliers d’avoir des coqs chez eux, même quand les poulaillers sont permis.

« Avant, on refusait les coqs, mais une fois qu’on a ouvert la porte, ça a été le déluge », rapporte Catherine Gagnieux, qui a fondé le refuge animalier en 2017 et possède aujourd’hui neuf coqs.

Elle dit recevoir des demandes pour recueillir des coqs deux à trois fois par semaine, et en refuser la plupart; le refuge est déjà plus qu’à pleine capacité.

« Un coq a besoin de 7 à 10 poules pour vivre en harmonie, ce qui veut dire qu’on aurait besoin de 90 poules, ce qu’on n’a pas », détaille-t-elle.

À DONNER SUR KIJIJI

On trouve sur Kijiji des centaines de coqs à donner ou à vendre pour 1 ou 2 dollars, partout au Québec.

Si on décide de se lancer dans un poulailler, il faut bien en mesurer les conséquences sur les animaux, selon Catherine Gagnieux. « On a trop l’habitude de prendre les animaux comme des objets, et quand on n’en veut plus, on s’en débarrasse, observe-t-elle. C’est pas un animal de compagnie. »

« Je comprends les gens qui veulent des poules dans leur cour pour avoir des oeufs frais, reconnaît Élise Desaulniers. Mais quand on prend cette décision, il faut quand même voir les conséquences que ça a sur leurs petits frères aussi. »

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2021-06-10T07:00:00.0000000Z

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